Quand on réunit trois Néo-Écossais, un Néo-Brunswickois, trois guitares et quatre voix, on obtient nul autre que le groupe Cy, qui fusionne la musique d’aujourd’hui à celle d’autrefois par une combinaison de guitares et d’harmonies vocales. Nommé d’après Cy à Mateur, ou Célestin Trahan, une figure acadienne légendaire des années 1900 de la région de Baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse, le groupe est formé de Jacques Blinn, Éric Dow, Jacques Boudreau et Guyaume Bouliane.
C’est à l’Université de Moncton, en 2013, que les membres du quatuor se sont rencontrés. Ils ont lancé dès l’année suivante un premier mini-album (EP) de 5 titres, qui les a menés sur plusieurs scènes, notamment celle de Saint-Aubin-sur-Mer, en France, pendant la semaine acadienne. À l’hiver 2016, le groupe a aussi participé à la 35e édition de l’événement Contact ontarois.
Il y a beaucoup de similarités entre les Acadiens et les francophones de l’Ontario, pas nécessairement du point de vue linguistique, mais surtout du point de vue des expériences qu’on vit en tant que francophones en milieu minoritaire. On a quand même un certain message politique et linguistique derrière notre musique, et on a trouvé que ça a assez bien résonné avec les francophones de l’Ontario. – Éric Dow, Cy
Au printemps 2016, le groupe a participé au concours-vitrine Francouvertes à Montréal, en plus de s’envoler vers Paris avec l’Alliance nationale de l’industrie musicale. Cy a également lancé en juin son premier album complet, Deuxième nation. Ce nouvel album a été produit en collaboration avec le réalisateur Kevin O’Neil, originaire lui aussi de Baie Sainte-Marie et mentor de longue date du quatuor. Avec ses 9 titres, l’album marque aussi les premiers pas du groupe vers un style folk un peu plus progressif.
Nouvelles racines
Pascal Raiche-Nogue
On dit souvent que des groupes allient tradition et modernité. C’est un cliché usé comme de la corde sur lequel des journalistes en panne d’inspiration se rabattent trop souvent.
C’est même une formule utilisée au-delà de la musique. Cette béquille est malheureusement utilisée à l’excès dans le monde culturel.
Le quatuor acadien émergent Cy est l’un des rares groupes qui se situe vraiment au carrefour de la tradition et de la modernité. Sans blague.
Formé de trois gars de la Nouvelle-Écosse et d’un quatrième de Moncton, au Nouveau-Brunswick, Cy est une drôle de bibitte. Son folk est à la fois traditionnel et progressif.
Comme Harmonium avant eux, ces quatre musiciens maîtrisent les harmonies vocales. C’est doux et bien dosé.
Le chanteur principal du groupe, Éric Dow, a une voix on ne peut plus claire et juste, tant dans les albums du groupe que sur scène. Il peut aussi compter sur l’appui de ses trois acolytes, qui ont eux aussi de très belles voix.
À ses débuts, Cy était avant tout axé vers les guitares. Son premier mini-album (EP), lancé en 2015, était très dense. Même si c’est tout un défi que de faire cohabiter trois guitares acoustiques dans le même espace sans que le résultat soit cacophonique, ce groupe a réussi son pari.
Dans son premier album complet, Deuxième nation, lancé en 2016, Cy élargit ses horizons. L’un des guitaristes, Jacques Boudreau, troque de temps en temps sa guitare pour un clavier. Cet ajout donne un peu plus de profondeur à la musique.
Ce n’est pas tout; on entend un glockenspiel, des cloches, de la mandoline. De quoi faire saliver les amateurs de musique progressive des années 1970.
Le groupe emprunte de plus en plus cette voie débridée et complexe. Ses quatre membres sont loin des chansons à trois accords et des formules toutes faites prêtes pour la radio. Les mélodies sont plus recherchées, le tempo change, les gammes aussi.
On voit bien que ces musiciens sont non seulement hyper talentueux et créatifs, mais qu’ils prennent un plaisir fou à naviguer dans des chansons riches qui seraient casse-cou s’ils n’étaient pas si habiles.
Une autre dimension importante des œuvres de Cy est la langue. En écoutant leurs chansons, on reconnaît avec grand plaisir l’accent et le vocabulaire de Baie Sainte-Marie, une importante région acadienne de la Nouvelle-Écosse.
Cy puise dans un vocabulaire riche. Ses paroles sont imagées, très bien écrites. Il faut dire que le chanteur, Éric Dow, est un traducteur de formation. Il nage dans les mots comme un poisson dans l’eau. Il a le souci du détail.
Le groupe rend d’ailleurs hommage à une autre artiste de Baie Sainte-Marie qui fait vivre la langue de cette région grâce à ses écrits, Georgette LeBlanc, en reprenant à sa sauce l’un de ses textes dans la pièce « À la camp ».
C’est en quelque sorte un retour d’ascenseur, puisque Éric Dow collabore avec elle depuis des années. Il traduit ses livres du français à l’anglais, une tâche qui pourrait difficilement être effectuée par un traducteur n’étant pas originaire de Baie Sainte-Marie tellement la langue de cette auteure est unique.
Cy s’inscrit dans la nouvelle vague d’artistes acadiens, qui repoussent les limites de leur art et tentent de percer les marchés d’ailleurs au pays et dans la francophonie, sans tenter de cacher leurs origines.
Cette formation montre avec brio que l’on peut faire de la musique folk acadienne sans nécessairement tomber dans la musique de violoneux et les clichés. C’est sans doute aussi ce qui explique en partie que ses chansons viennent chercher les Acadiens.
Comme Lisa LeBlanc, les Hay Babies, Radio Radio et les Jeunes d’Astheure, ces artistes acadiens n’oublient pas d’où ils viennent, mais ne se contentent pas de simplement refaire la même musique que ceux qui sont venus avant eux.
À défaut de vouloir faire appel à des formules à proscrire, ils sont bien ancrés dans la modernité, tout en faisant de gros clins d’œil à la tradition, à leurs racines.
Photos en Coulisses
Suivez L'artiste
Balade panoramique avec Cy
Soyez le bienvenu au cœur des harmonies vocales du groupe Cy, qui réinvente à sa façon le succès « Balade à Toronto » de Jean Leloup, et parcourez la ville en bonne compagnie. Regardez la vidéo sur votre téléphone et tournez (littéralement!) pour visionner le tout en profitant de l’effet à 360 degrés, ou utilisez simplement votre souris pour naviguer dans l’espace. Vous ne pourrez pas visionner le tout sur votre téléphone sans passer par l’application Facebook. Veuillez aussi noter que les fureteurs Safari et Explorer ne soutiennent pas la vidéo 360. Cliquez ici pour y accéder.
Entrevue
Éric et Guyaume du groupe Cy nous expliquent comment le quatuor ne se prend pas au sérieux et nous parlent de l’importance d’offrir une vitrine aux artistes de l’industrie musicale francophone hors Québec.
Découvrez les autres artistes