Véritable produit du bilinguisme, son père étant anglophone et sa mère francophone, l’auteur-compositeur-interprète fransaskois Étienne Fletcher a été plongé dans la communauté musicale dès son jeune âge. Après des voyages en Amérique du Sud qui lui auront donné une nouvelle perspective sur les plans culturels et musicaux, le Réginois se joint comme claviériste à un groupe de musique andine local.
Il cofonde ensuite son propre groupe, Indigo Joseph, et commence à explorer la création originale de façon plus approfondie. Après trois années à titre de groupe anglophone, le quatuor expérimente avec l’écriture en français et lance un premier album bilingue, Collages. À la fin de sa tournée pour ce premier opus, le groupe s’offre une pause indéfinie, incitant Étienne à se concentrer sur sa carrière solo, autant en anglais qu’en français.
Je suis très fier de mon identité bilingue, je suis très fier de mon identité fransaskoise. Je trouve que plus j’essaie de pousser le bilinguisme, plus je frappe des murs […] J’apprécie les gens qui se sont battus pour la francophonie dans l’ouest, parce que l’histoire est triste. C’est très triste. Mais de l’autre côté, il faut ouvrir nos portes pour que les gens se sentent invités de venir voir et d’explorer la communauté. Sinon, on dirait qu’on suffoque aussi les jeunes francophones.
En 2015, Étienne participe au gala Chant’Ouest où il remporte trois des cinq prix décernés. Il a entre autres la chance de représenter l’ouest et le nord du pays au Festival international de la chanson de Granby l’année suivante, une mission qu’il réussit haut la main en se taillant une place en finale.
L’été 2017 aura été chargé pour le Fransaskois, alors qu’il comptait lancer son premier mini-album en juillet lors du festival Ness Creek, en Saskatchewan, et faire de même avec son mini-album en français dans le cadre d’une vitrine à Granby, à la fin août, avant de partir en tournée à l’automne.
Photoreportage
Bien chez soi
C’est flanqué de fiston et de sa compagne qu’Étienne nous accueille dans la capitale de la Saskatchewan, où il a grandi et élu domicile. On arpente les corridors de l’école francophone où il a étudié et où il enseigne maintenant à temps partiel, et le Fransaskois nous ouvre les portes de sa maison.
Indigo Étienne
Jean-Étienne Sheehy
Depuis quelques années, la Saskatchewan nous offre certaines des exportations musicales les plus intéressantes du Canada francophone hors Québec. Inutile de parler d’une vague, c’est plutôt un raz de marée qui émerge de l’ouest du pays. Du côté des musiques planantes et psychédéliques, Ponteix fait jaser, tandis que le hip-hop introspectif de Shawn Jobin trouve preneur parmi les oreilles attentives. Même la pop indé anthémique a rayonné dans la langue de la famille Campagne avec Indigo Joseph, un quatuor mené par Étienne Fletcher il y a quelques années.
Parlons-en de ce groupe, car il a offert certains des morceaux les plus mémorables à être sortis du Canada français durant la première moitié des années 2010. D’ailleurs, partout au pays, à l’extérieur de Montréal, ils sont rares – voire inexistants – ceux qui ont osé se frotter à la chanson fédératrice, tout en demeurant efficaces, originaux et prêts à rivaliser avec la mappemonde pop montréalaise. L’exploit est imposant, car « La Balance » ressort du lot avec son urgence de vivre et sa douce naïveté. Si le silence radio règne depuis deux ans chez Indigo Joseph, ce temps d’arrêt a permis à Étienne Fletcher de débarquer en solo sur la scène francophone, à vitesse grand v.
Le Fransaskois arrive avec une pop éclatée qui ressort du lot parmi ses contemporains. Celui-ci conserve l’approche mélodique radieuse d’Indigo Joseph pour l’infuser dans une série de vignettes du quotidien, qui allient les hameçons à l’extravagance.
Une douce folie s’empare de « French Punk », telle une rencontre entre Jean Leloup et Mehdi Cayenne dans la Saskatchewan urbaine. Cette chanson sert d’hymne à Fletcher, parfois de manière plus chaotique qu’efficace. L’auteur-compositeur a le mérite de maîtriser le sens de la livraison et de la nuance, même si cela signifie construire et démolir sa proposition aussi souvent qu’il en a envie.
Le parallèle entre Fletcher et Jean Leloup se poursuit dans ses autres titres francophones. À vrai dire, la rythmique de « Chérie Chéri » évoque « Plein Gaz » du roi Leloup. Fletcher débarque avec des phrases dans lesquelles on se reconnaît, malgré le caractère intime de sa démarche. Et tant qu’à en finir avec les parallèles entre les deux auteurs-compositeurs-interprètes, on est également preneur pour l’espace qu’occupent les guitares chez eux, comme le démontre la conclusion de « Chérie Chéri ».
On apprécie également le côté singulier de l’artiste, même si cela signifie que le travail n’est pas toujours terminé. Le côté réconfortant et empli d’espoir de la pop plus accessible de « Petits plaisirs » ne ressort tout simplement pas du lot parmi cette offre si originale et authentique. La magie avec Fletcher opère carrément lorsqu’il oublie les règles de la chanson, sans en perdre l’instinct. Dans ce cas-ci, on ne veut pas l’entendre chanter qu’il y a des moments où il croit être à la bonne place, mais plutôt réinventer et saturer cette impression.
Deux constats s’imposent avec les chansons d’Étienne Fletcher. De un, celui-ci débarque avec une forte personnalité qui arrive à être à la fois déstabilisante et charmante. Les chansons ne répondent à aucun format, sauf le point B où le Fransaskois désire les amener de manière spontanée. De deux, avec ce savant amalgame d’influences et cette direction artistique précise, le meilleur reste à venir. C’est tant mieux, car « French Punk » nous offre une raison de se réjouir.
Photos en Coulisses
Entrevue
Expression créative
Étienne nous fait part de son amour pour le travail avec les enfants et il nous explique comment il jongle avec la composition dans les deux langues.
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