Derrière la personnalité colorée du Franco-Ontarien Mehdi Hamdad se trouve le Mehdi Cayenne Club, un groupe formé du batteur Olivier Bernatchez, du claviériste François Gravel et bien sûr, du guitariste et chanteur Mehdi Hamdad. Parfois, le batteur Olivier Fairfield se joint au chaos créatif. Sans grande surprise, l’excentrique Mehdi est la figure de proue du groupe qui a vu le jour en 2009. Né en Algérie d’une mère française et d’un père algérien, l’Ontarien d’adoption a grandi à Montréal, Moncton et Ottawa. Il a appris à manier la plume dès sa tendre enfance en commençant à écrire des poèmes à l’âge de 6 ans. Aujourd’hui, l’initiative artistique du groupe part de Mehdi, qui met en mots ses propres thématiques avant de les offrir à ses musiciens qui métamorphosent et colorent ensuite le tout. Ils sont au service de l’oeuvre; ils ont un réel rapport à l’émotionnel, à l’affectif. En plus, ils sont capables d’une grande intensité à feu doux. – Medhi
En 2011, Mehdi Cayenne a lancé son premier album, Luminata, qui a propulsé le groupe sur plusieurs scènes au pays. Ses deuxième et troisième opus, Na Na Boo Boo et Aube, ont suivi respectivement en 2013 et 2015. Medhi rafle 4 des 18 prix remis dans le cadre du Festival en chanson de Petite-Vallée de 2014, notamment le prix des Francouvertes. La même année, il remporte trois trophées au Gala des prix Trille Or de l’Association des professionnels de la chanson et de la musique, notamment celui du meilleur auteur, compositeur ou auteur-interprète. Medhi Cayenne domine les nominations de ce même gala en 2017, finaliste dans 11 catégories, et il repart avec les prix du meilleur interprète masculin, du meilleur album pour l’opus Aube et de la chanson primée pour « La pluie ».
Photoreportage
La passion avant tout
Mehdi nous entraîne dans les rues de Hull, où il nous parle de son attrait pour les gens passionnés qui excellent dans leur domaine. On s’arrête dans l’usine de fabrication de pédales loop Fairfield Circuitery, symbole de l’excellence créative dans la région, avant de visiter l’espace artistique Le Temporaire. L’auteur-compositeur-interprète nous parle des acteurs du milieu artistique de Hull, qui l’ont aidé à devenir l’artiste qu’il est aujourd’hui.
La trilogie éclatée du Mehdi Cayenne Club
Jean-Étienne Sheehy
La pop franco-ontarienne tend à évoquer un son conforme que partagent plusieurs artistes. Dans cet univers culturel, la présence du Mehdi Cayenne Club n’est pas qu’une bouffée d’air frais, mais bel et bien un électrochoc qui bouleverse les conventions. L’exploit a beau être de taille, il se fait avec naturel, derrière la présence charismatique de Mehdi. Ce contexte permet aux trois premiers albums de Mehdi Cayenne de s’écouter non pas de manière individuelle, mais plutôt telle une trilogie complémentaire, où chacune des œuvres explore une facette créative du leader du trio. Le premier album est celui de la rébellion, métissée à une douce folie adolescente, car Mehdi précise même ne pas savoir travailler. Son regard se tourne plutôt à l’extérieur de son nombril, vers le monde qui l’entoure. La pièce « Ô Canada » n’a rien à voir avec le patriotisme national, mais elle remet en question la « fierté sourde et aveugle », que Mehdi évoque comme étant aussi dangereuse qu’un « enfant roi qui s’achète de la coke et du coca avec la visa à papa », tandis que « Canadien errant » s’intéresse plutôt aux « folies les plus flyées, celles qui créent des naissances plutôt que des armées ». Mehdi s’approprie la critique sociale pour la livrer avec éclat et justesse. L’heure n’est toutefois pas aux chambardements collectifs, car il a du plaisir dans ses textes et ses musiques. De toute façon, si la terre est glauque, aussi bien lui donner de la couleur et un coup de pied au derrière. Laissons faire la peur, sautons plutôt sur le plancher de danse. Le constat a beau être lourd, mais mieux vaut faire la fête en attendant. Le deuxième morceau de la discographie, Na Na Boo Boo, offre plutôt un urgent virage à gauche, même selon les standards de Mehdi. La rythmique des mots passe sous la plume de celui-ci. Ici, c’est une porte ambiante qui s’ouvre en noir et blanc, sans enlever au plaisir juvénile de la démarche. « Sortie de secours » brise les conventions les unes après les autres, avec sa rythmique déconstruite et hypnotique. Toutefois, un immense refrain fraye son chemin grâce au doigté de Mehdi. Na Na Boo Boo n’est pas seulement un air enfantin chanté dans les cours d’école, mais bel et bien un des disques les plus audacieux à sortir de la francophonie hors Québec. Le dernier album, Aube, solidifie les assises de Mehdi. Dans l’éclat de l’offre précédente, ce disque se fait accessible, tant il maîtrise tous les éléments de sa folie antérieure. Plus chansonnier et plus sensuel, l’auteur-compositeur arrive à bon port sur chacun des douze titres pour parler d’amour, sans se dénaturer ni être ringard. Exit le club dans le nom, il se dévoile avec une étonnante franchise pour affirmer pleinement son identité créatrice. Derrière la poésie éclatée et la pop déconstruite de Mehdi Cayenne se trouve également le travail de maître de son fidèle collaborateur, le réalisateur Charles Fairfield. Son dévouement derrière la console permet à l’auteur-compositeur d’utiliser les séances d’enregistrement comme terrain de jeu pour délirer sans mettre en péril la qualité de ses textes et de ses musiques. Au final, c’est bien beau l’unicité de Mehdi, mais à l’écoute, il se passe quelque chose de plus important. La présence d’un artiste qui arrive à élargir sa démarche créatrice tout en s’épanouissant avec autant d’efficacité est certes rarissime. Le plus bel exploit demeure d’avoir maintenu un magnifique fil conducteur entre les trois disques, en évitant la redite et les pas en arrière. Malgré sa présence relativement récente parmi les auteurs-compositeurs-interprètes de la francophonie canadienne, Mehdi laisse déjà un imposant legs, c’est-à-dire un magnifique rappel que l’authenticité l’emporte sur le prémâché. Son plus bel héritage demeure à venir; il est à souhaiter qu’il puisse inspirer un artiste à sortir avec une proposition encore plus osée et audacieuse, tout en jonglant avec l’intégrité et la mélodicité, comme Mehdi le fait si bien depuis ses débuts.
Entrevue
On aborde la chimie et l’esprit de collaboration au sein du groupe. Mehdi nous parle du caractère multidimensionnel de la musique et nous raconte que sa musique est devenue un exercice de concision.
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