Quatre cordes de violon. Six cordes de guitare. Une peau de chèvre. Une musique aux accents celtiques, irlandais, contemporains, acadiens, maritimes, folks, anglophones et francophones. Trois jeunes qui unissent leur talent et leur créativité depuis l’adolescence. Voici Ten Strings and a Goat Skin. Jesse Périard et les frères Caleb et Rowen Gallant se sont rencontrés dans une classe française d’un village acadien de l’Île-du-Prince-Édouard. Le trio a lancé son tout premier album, TRI, en 2011. Celui-ci n’a pas tardé à s’attirer les éloges, avec entre autres une nomination aux Prix de la musique de la côte Est en 2012 comme album de l’année dans la catégorie « Folklore/traditionnel » et une victoire comme enregistrement de l’année dans cette même catégorie au Gala de Music PEI. La musique traditionnelle, c’est intéressant parce que t’as pas besoin de te concentrer sur des paroles, tu peux juste le sentir. Je crois qu’il y a des personnes qui veulent avoir un héritage, une histoire, et la musique traditionnelle, c’est une façon de tracer ton héritage, ta culture. – Rowen Gallant
L’album Corbeau a vu le jour en 2013. Ce second opus, qui présente de l’avis même du trio des arrangements plus sophistiqués que le précédent, a été réalisé par l’auteur-compositeur acadien et oncle des deux frères, Lennie Gallant. Auprès du poêle, qui a suivi en 2016, a mené le trio acadien sur la route, avec des tournées en sols américains et européens. L’avenir s’annonce tout aussi prometteur. À l’hiver 2017, les membres du groupe se sont produits devant le roi et la reine de Suède dans le cadre de l’événement Friends of Canada au musée Vasa de Stockholm et ils ont reçu plusieurs nominations de l’industrie musicale, notamment au Gala de l’Association de la musique de la côte Est, au gala des prix Juno et aux Prix de musique folk canadienne.
Les jeunes premiers insulaires
Pascal Raiche-Nogue
Ten Strings and a Goat Skin sont les enfants prodiges de la musique traditionnelle de l’Île-du-Prince-Édouard. Dès l’adolescence, ces artistes ont fait tourner des têtes dans leur coin de pays et n’ont pas tardé à se faire un nom à l’extérieur. Dans une région où la population est extrêmement friande de violons et de musique traditionnelle, ils ne pouvaient rester sous le radar bien longtemps. En écoutant leurs premiers enregistrements, on a tout de suite compris qu’ils étaient talentueux. D’excellents musiciens, ils débarquaient dans le milieu avec une approche rafraîchissante. On ne peut pas dire que leur folk et leur trad réinventent la roue. Ils respectent les codes et rendent hommage à leurs racines acadiennes et celtiques (entre autres). Ils le font cependant avec beaucoup de tact. Plus ils progressent, plus ils maîtrisent leurs instruments et plus ils livrent la marchandise. Leur dernier album, Auprès du poêle, lancé en 2016, rentre au poste. Ils sont dans leur élément. Lorsqu’ils enchaînent les notes à un rythme endiablé, cela a l’air facile. Les notes de guitare et de violon déferlent comme des torrents dans leurs pièces. Le bodhràn, ce tambour traditionnel irlandais, est bien en vue. Cet instrument, pourtant si banal à première vue, prend vie dans les mains expertes de Caleb Gallant et donne une touche tout à fait particulière à la musique de Ten Strings and a Goat Skin. On pourrait croire que cette musique traditionnelle somme toute assez minimaliste et acoustique nous ennuierait rapidement. Mais non, au contraire. Si l’on aime moindrement la musique trad, on ne peut tout simplement pas s’empêcher de taper du pied en écoutant leurs œuvres. Il y a quelque chose de festif et de joyeux dans leurs mélodies. Elles sont dotées d’une énergie contagieuse, mais sont tout de même nostalgiques. Il y a du mystère dans la voix des gars de ce groupe. On a l’impression qu’ils sont vraiment plongés dans leur musique et qu’ils ne se forcent pas à être joyeux comme certains autres artistes folk et trad. Côté paroles, ils ne se cassent pas trop la tête. Une bonne partie de leurs chansons sont instrumentales. Ils ont concocté des medleys, soit des sélections d’airs raboutés les uns aux autres dans la même chanson. Et ça se prend très bien. Ils laissent parler les mélodies et leurs instruments. Lorsqu’il chante, le groupe le fait en anglais et en français. Ses pièces francophones restent en terrain connu et ne s’éloignent pas beaucoup des airs incontournables du répertoire acadien. Il reprend par exemple le grand classique « Maluron lurette » dans son plus récent album. Son interprétation est très juste et on n’a rien à y redire. Sur l’album Corbeau, ces jeunes font une reprise francophone très intéressante de « Vive la rose ». Ils auraient vraiment pu se péter la gueule. C’est un pari risqué d’interpréter cette pièce qui est presque sacrée dans les provinces de l’Atlantique, où les gens sont particulièrement attachés à la version tout à fait unique et chargée d’émotions qu’en a faite l’artiste terre-neuvien Émile Benoît dans les années 1990. C’est un peu comme « Hallelujah » de Leonard Cohen. Tu peux t’essayer, mais la barre est très, très haute. Au pire, tu te ridiculises. Au mieux, tu fais un bon coup et t’évites le pire. Les gars de Ten Strings and a Goat Skin se sont quand même bien tirés d’affaire et ont réussi à ne pas se faire honte. Ça mérite d’être souligné. Ces artistes sont très, très occupés depuis quelques années. Ils enchaînent les albums à un rythme tout à fait respectable et commencent à se faire connaître un peu partout au Canada et ailleurs. Ne les perdez pas de vue.
Entrevue
Les membres du trio nous expliquent comment la préservation de la musique et des paroles leur tient à cœur, et ils nous parlent de l’importance qu’ils accordent à l’aspect égalitaire, autant dans leur musique qu’au sein du groupe.
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